Andromaque

Production :
Les Théâtres de la Ville de Luxembourg
Compagnie Yves Beaunesne

Coproductions :
Théâtre de Liège avec le soutien du Tax Shelter, du Gouvernement Fédéral de Belgique et de Inver Tax Shelter

Avec le soutien de la Direction régionale des affaires culturelles du Grand Est

Saisons :
22-23 / 23-24 / 24-25

Synopsis

Après dix épuisantes années de guerre, Troie a été vaincue dans un terrifiant massacre. Alors qu’il est promis à Hermione, Pyrrhus aime Andromaque, la veuve du chef troyen Hector, qu’il a ramenée captive avec son jeune fils Astyanax. Oreste, ambassadeur des grecs, est venu demander la mise à mort d’Astyanax par crainte qu’il ne veuille venger Troie. Mais Oreste est aussi venu pour Hermione, qu’il aime passionnément. Pyrrhus, lui, ne parvient pas à se faire aimer d’Andromaque, il tente de la forcer à l’épouser en échange de la vie de son fils. Celle-ci finit par céder et accepte d’épouser Pyrrhus, déclenchant la colère insensée d’Hermione qui charge Oreste de tuer Pyrrhus. La folie se propage à tous les esprits, l’amour sème la mort.

Andromaque raconte l’histoire d’un héritage trop lourd laissé par des parents légendaires à des enfants qui cherchent comment exister par eux- mêmes. Dans le souvenir d’une gloire passée, les enfants des héros vivent hantés par les spectres immenses de leurs parents, ils s’interdisent tout avenir.

Note d’intention

Comment tel ou tel vieux récit dont nous faisons encore mémoire, comme cette suite de la guerre de Troie, est-il encore capable, après tant d’années, de nous étonner et de nous donner à réfléchir et à nous émouvoir? C’est que, sous la plume du poète, il ressemble à ces graines enfermées hermétiquement pendant des millénaires dans les chambres des pyramides, et qui ont conservé jusqu’à aujourd’hui leur pouvoir germinatif.

Après dix épuisantes années de guerre, Troie a été vaincue dans un terrifiant massacre, et même le retour des héros tourne au désastre. La guerre finie, la nouvelle génération – fils et filles de pères et mères légendaires, tous morts – est hantée par leur présence. Les Grecs, vainqueurs, ont fait prisonniers la veuve d’Hector, Andromaque, et son fils, Astyanax. En Épire, où tous deux sont gardés captifs chez le roi Pyrrhus, fils d’Achille, se noue un entrelacs de désirs à sens unique: Oreste, fils de Clytemnestre et d’Agamemnon, aime Hermione, fille d’Hélène, qui aime Pyrrhus qui aime Andromaque qui aime Hector, qui est mort. Cet épilogue désenchanté de la guerre de Troie invente un modèle: celui de la fameuse «chaîne racinienne».

Racine ne tient pas un journal de guerre. Ce sont d’autres combats qu’il livre car s’il n’y a plus d’odeur de poudre, nous sommes quand même sur un champ de bataille. Ce qu’il souhaite saisir dans ses personnages est ce qui se trouve tout au fond d’eux-mêmes, ruisseaux petits et grands et jusqu’au minuscule filet d’eau, vers l’unique voie libératrice qui est celle de la beauté et de l’enfance. Son texte est un réseau de mailles qui s’enchaînent, un tissu où se mêlent âme céleste et âme terrestre, une immense pelote de fil très résistant. Ainsi, pour qu’Andromaque prenne racine, me dois-je de chercher un principe de beauté qui permette de défier la réalité du temps.

« Les Grecs sont superficiels par profondeur », dit Nietzsche. Dans la poésie que je préfère, celle d’un Claudel, d’un Hugo, d’un Maeterlinck, d’un Ibsen ou d’un Shakespeare, ce qui me touche profondément, c’est qu’elle est exaltante au sens propre du mot, c’est qu’il y a une espèce de coup d’aile qui vous enlève très haut, qui vous porte très au-dessus de vous-même. Racine aussi, qui vous nourrit le rêve d’une plénitude, jamais atteinte, toujours relancée, parfois étreinte. Il a osé écrire et imposer le mot « joie» comme un feu léger mais opiniâtre au-dessus du malheur et à travers la nuit. Entendre Racine, c’est déchiffrer son propre cœur, ses obscurités, ses opacités et y laisser pénétrer la lumière qui assainit, guérit, humanise, spiritualise. C’est là le signe incontestable du grand poète, l’inconscience prophétique, la troublante faculté de proférer par-dessus les hommes et le temps des paroles inouïes dont il ignore lui-même la portée. C’est la mystérieuse estampille de la beauté sur nos fronts.

Et pourtant, toutes et tous ici, sauf peut-être Andromaque elle-même, sont de ces fleurs de rocaille, le genre de fleur qu’on regarde en se disant: il n’y a pas de terreau fertile, personne ne l’a arrosée, elle n’a rien eu, et pourtant, elle est là. Allez-y voir vous-même, si vous ne voulez pas me croire. C’est de la lave liquide. C’est de l’insensé noir et dévorant. Racine va à cette humanité si experte des ombres de la vie, des fragments où notre existence souvent se désagrège. Hermione, Pyrrhus et Oreste, cette femme et ces hommes qui ne savent plus d’où ils viennent et refusent de considérer où ils vont, voguent sur une barque en papier au milieu de mers démontées. Dans leur roue de hamster, bardés de gadgets et de fausses relations, un masque sur le cœur, ils ne verront que des ennemis et des catastrophes. Jamais des guides ni des apprentissages. Ni même des avertissements. Mais désirons-nous savoir d’où nous venons alors que nous faisons route vers le futur? Comme eux, nous sommes surtout intéressés par le présent, mais avons-nous compris qu’il est peuplé de fantômes? Entre conscience du passé et attente du futur, le poète plaide en faveur de l’art oublié de l’endurance.

Et Andromaque, est-ce l’Emma de Racine? Personne, au milieu du gué, ne peut savoir com-
ment il va traverser la rivière, mais elle a la sagesse la plus haute et difficile, celle de vouloir vaincre en elle la bête, tout en se sachant pauvre et vaincue. La tragédie est cette forme d’art qui exige le térébrant fardeau de la présence du sacré. À travers Andromaque, on découvre une œuvre qui n’est pas une méditation mélancolique sur l’amour et la perte, mais une reconnaissance puissante de la possibilité de rester en vie au milieu de forces cruelles et brutales. Chez Racine, tout ce qui est lourd plane, tandis que tout ce qui est léger pèse infiniment. La clarté monte et, sans disparaître, l’ombre décroît; la joie dépasse la douleur sans l’anéantir, le «oui » retentit plus fort que le «non», qui pourtant n’a pas cessé de subsister.

On résume souvent l’intrigue d’Andromaque en une tragique histoire d’amour. Mais s’il s’agit d’amour, il s’agira plus encore d’affirmation de soi. Andromaque est une pièce émancipatoire où palpite le danger propre à l’insurrection et qui veut favoriser cet acte de rébellion, de révolte intérieure qui est au cœur du théâtre. Comment se mesurer à des figures aussi imposantes que celles d’Achille, de Clytemnestre, d’Hector, d’Agamemnon ou d’Hélène? Obsédés par eux-mêmes et par leurs parents, ces héritiers oublient complètement le petit Astyanax, fils d’Hector et d’Andromaque. Me revient à l’esprit Van Gogh écrivant à son frère Théo: « le mur noir de l’amour ». Ce qui me trouble, au-delà du meurtre envisagé de l’enfant, est ce qu’il dit de l’amour et de sa terrible proximité avec sa propre négation. Avec son humour au fil du rasoir, Racine démontre que la vengeance n’est que nostalgie et que l’assaut de culpabilité fait de nous des irresponsables. Dans le souvenir d’une gloire passée, les enfants des héros vivent hantés par les spectres immenses de leurs parents, ils s’interdisent tout avenir.

La tentation avec Racine est sans doute de se pendre à ses paroles, de se captiver à ses seuls mots. Mais il faut suivre étourdiment le poète pour aller où ses mots nous conduisent, l’œuvre n’est pas en eux, seulement dans l’itinéraire vivant dont ils sont la légende. « L’art ne vient pas coucher dans les lits qu’on a faits pour lui », écrit Jean Dubuffet. La parole et le silence sont liés l’un avec l’autre par un acte sacré, comme s’ils appartenaient l’un à l’autre. Ce théâtre n’est pas un théâtre « intellectuel », l’alexandrin est une enveloppe à l’intérieur de laquelle tout est possible. Derrière la perfection de la forme, il y a le possible chaos du sens. La sensualité se cache derrière cette forme, il faut la chercher. C’est un peu comme un maquillage derrière lequel se trouve la vérité du visage. Cette vérité sera régulièrement affriolée dans le travail musical qui rassemblera
un quatuor instrumental animé par les quatre comédiennes, une pianiste, une violoniste, une violoncelliste et une accordéoniste. Et un Pyrrhus saxophoniste. Ce qui m’importe, c’est d’attraper le tigre, que ce soit par une oreille ou par la queue.

Distribution :

Milena Csergo

Andromaque, veuve d’Hector, captive de Pyrrhus

Marine Sylf

Hermione, fille d’Hélène, accordée à Pyrrhus

Mathilde de
Montpeyroux

Cléone, confidente d’Hermione

Adrien Letartre

Oreste, fils d’Agammemnon, amant d’Hermione

Jean-Claude Drouot

Pylade, ami d’Oreste

Lou Chauvain

Hermione, fille d’Hélène, accordée à Pyrrhus

Sophie Mousel

Andromaque, veuve d’Hector, captive de Pyrrhus

Eugénie Anselin

Hermione, fille d’Hélène, accordée à Pyrrhus

Louise Emma Morel

Céphise, confidente d’Andromaque

Léopold Terlinden

Pyrrhus, fils d’Achille, roi d’Epire

Christian Crahay

Phoenix, gouverneur de Pyrrhus

Johanna Bonnet-Cortès

Céphise, confidente d’Andromaque

Equipe de production :

Dramaturgie : Marion Bernède
Scénographie : Damien Caille-Perret
Lumières : Renaud Ceulemans
Création musicale : Camille Rocailleux
Costumes : Jean-Daniel Vuillermoz
Direction musicale et cheffe de chant : Julie Delbart
Vidéo : Emeric Adrian

Travail chorégraphique : Émilie Guillaume
Maquillages & coiffures : Catherine Bénard
Assistantes à la mise en scène : Pauline Buffet,
Aude-Laurence Biver & Louise d’Ostuni
Responsable de production : Antoine Gardent
Régisseur plateau : Eric Capuano
Régisseur lumière : Karl-Ludwig Francisco

Habilleuse : Catherine Bénard
Régisseur général et son : Olivier Pot
Construction des décors : Ateliers des
Théâtres de la Ville de Luxembourg
Création des costumes :
Ateliers du Théâtre de Liège