Tartuffe ou l’Imposteur

Production :
Compagnie Yves Beaunesne

Coproductions :
Les Théâtres de la Ville de Luxembourg, Théâtre de Liège avec le soutien du Tax Shelter, du Gouvernement Fédéral de Belgique et de Inver Tax Shelter, Centre dramatique national de Poitiers-Nouvelle Aquitaine, le Théâtre Montansier, la Scène nationale d’Albi, le
Théâtre de Nîmes, Théâtre Molière Sète, scène nationale archipel de Thau, L’Azimut –
Antony/Châtenay-Malabry, le Carré scène nationale de Château-Gontier

Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National.

Saisons :
21-22 / 22-23

Synopsis

C’est en vers que Molière écrivit cette comédie qui plante les démêlés de Tartuffe – va-nu-pieds irradiant de ferveur ascétique – tombé follement amoureux de la femme d’Orgon, son hôte, lui-même dévoré par le culte démesuré qu’il voue à son invité. Yves Beaunesne sort le personnage principal de son carcan d’imposteur et de fanatique pour dépeindre un séducteur fascinant en quête d’absolu. La pièce est abordée, non par le biais de l’hypocrisie conçue comme un moyen, mais à partir du pouvoir d’envoûtement qu’exercent certains êtres auxquels on ne peut résister, malgré le pressentiment qu’ils feront pleuvoir sur nous une tempête d’égarements. Sous l’âcre récit de Molière, une longue faim de vivre est perceptible autant dans la famille d’Orgon que chez Tartuffe, qui tisse avec chacun un rapport entre soif de clarté et attraction pour le vide. Mais Molière – dont on célèbre en 2022 le 400e anniversaire – est un poète, et comme tel, incapable d’accepter l’existence comme elle se présente. Autre chose alors paraît, comme une crevasse qui se remplit de lumière à mesure qu’elle s’ouvre, la force comique n’y étant pas étrangère. Une distribution belgofrançaise triée sur le volet nous offre un grand classique divertissant et plein de vie !

Note d’intention

Molière donne comme sous-titre à Tartuffe , « L’Imposteur ». Depuis, le personnage est
devenu le modèle de l’hypocrite, une fois pour toutes, le représentant du zèle et du fanatisme
religieux, un porc lubrique, un gibier de potence, un truand de la luxure, un grotesque de
sacristie.

Cette ineptie a transformé la pièce en objet de musée destiné à nous divertir avec une
nouvelle « fourberie », un objet qui perd toute capacité à nous toucher, 400 ans après la
naissance du poète. Il faut laisser l’oeuvre respirer. Molière n’a pas la plume dans sa poche, il
écrit à 42 ans une oeuvre trempée dans l’encre de la nuit, et personne ne peut s’ériger en oracle
de Tartuffe . Souvent, au théâtre, j’ai peur qu’une fois que vous avez toutes les réponses, votre
vie se referme sur vous comme un piège, dans le bruit que font les clés des cellules de prison. Ne
serait-il pas préférable de laisser autour de soi des terrains vagues où l’on puisse s’échapper ?
Pourquoi dire par exemple que Molière a écrit cette pièce pour nous mettre en garde contre les
extrémistes ? Je n’en sais rien, et il n’est plus là pour nous dire ce qu’il voulait.

Au départ, il y a un homme à qui l’on ne peut faire d’emblée le procès de la sincérité : c’est juste
un homme fou amoureux d’une femme, un va-nu-pieds irradiant de ferveur ascétique et qui
partage avec les pauvres ce qu’il reçoit, un homme aimé d’un ami dévorant. Si la famille qui
l’accueille monte dans son bateau, c’est qu’il a tous les traits de l’amabilité et de l’honnêteté. La
parole fondamentalement humaniste de Tartuffe, c’est celle qu’on retrouve dans la Bible. C’est
peut-être un vrai prophète qui laisse derrière lui un monde qui bascule, où l’on ne sait plus
distinguer la droite de la gauche, le haut et le bas. Mais « nul n’est prophète en son pays. »

J’aborde la pièce non à partir de l’hypocrisie, conçue comme un moyen, mais à partir du pouvoir
de fascination que peuvent exercer certains êtres auxquels on ne peut résister, quand bien même
on pressent qu’ils feront pleuvoir sur nous une tempête d’égarements. Ils passent un soir, qui
sait s’ils repasseront jamais… Je pense à Théorème de Pasolini, La Communion de Jan Komasa,
La Nuit du chasseur de Charles Laughton ou Parasite de Bong Joon-ho, et ces personnages
qui, avec le magnétisme des beaux inconnus, pénètrent les esprits, les coeurs, les corps en
s’appuyant sur un discours où semble pointer l’amour de la vérité. C’est dans la mesure où un
personnage reste douteux qu’il garde une apparence humaine.

Tartuffe a le torse et le verbe conquérants. Je le vois bâti comme un dieu, son teint
rappelle le saindoux de qualité supérieure, il pourrait très bien avoir une queue de billard sous
le bras et embrasser sur le front les enfants pauvres. Mais il a aussi toujours ses bagages prêts.
Un « visiteur du soir » que l’on voit se faufiler en tremblant, séducteur et voyou, et qui chante
une longue ballade entre « Love » et « Hate »… Il apparaît comme la réponse aux questions
muettes qui hantent tous les membres de cette famille, et dans le rapport qu’il tisse avec chacun,
il touche à la fois la soif de lumière, une aspiration profonde pour l’absolu, et la fascination pour
le vide et l’enfer. On ne peut pas penser Dieu sans le diable, et le diable sans Dieu. Ce n’est pas
un hasard si la pièce a été copieusement caviardée à la Comédie-Française sous Vichy. Mais si
Tartuffe est mon frère, Elmire est ma soeur, elle qui refuse de rester assise à l’intérieur.

Il faut percevoir, sous l’âcre récit de Molière, sous ce portait navré, une longue faim de
vivre, autant chez Tartuffe que dans la famille d’Orgon. Nous pouvons les comprendre, nous
qui vivons en un siècle où tout nous invite à vivre à petits feux, de petites faims en petits désirs.
Le tragique chez Molière, il faut s’y confronter en le traversant, en s’y mesurant. Mais il y a chez
lui quelque chose de plus grand que la souffrance – qui est pourtant d’une effrayante précision
chez lui –, c’est la joie. Il est poète et comme tel incapable d’accepter la vie telle qu’elle est. Alors,
c’est comme après les larmes, il y a autre chose qui paraît et qui est au moins aussi
incompréhensible que la souffrance elle-même, comme une crevasse sous-marine qui se remplit
de lumière à mesure qu’elle s’ouvre. Et la force comique n’y est pas pour rien.

Je n’ai pas envie qu’on me mène tout droit à la clairière, et encore moins qu’on me dise
dans quelle clairière aller. Laissons au verbe toute latitude pour s’inventer tout seul dans l’esprit
et le coeur du spectateur, plus affamé qu’on ne veut nous le faire croire.

Yves Beaunesne, mai 2021

Distribution :

Nicolas Avinée

Tartuffe

Jean-Michel Balthazar

Orgon

Vincent Minne

Cléante, frère d’Elmire

Léonard Berthet-Rivière

Damis, fils d’Orgon

Benjamin Gazzeri-Guillet

Valère, amant de Mariane

Maximin Marchand

Flipote, M. Loyal et un exempt

Noémie Gantier

Elmire, épouse d’Orgon

Johanna Bonnet-Cortès

Dorine, suivante de Mariane

Marc Jeancourt

Cléante, frère d’Elmire

Victoria Lewuillon

Mariane, fille d’Orgon

Maria-Leena Junker

Madame Pernelle, mère d’Orgon

Hughes Maréchal

Laurent et Claviers

Equipe de production :

Dramaturgie : Marion Bernède
Scénographie : Damien Caille-Perret
Lumières : César Godefroy
Création musicale : Camille Rocailleux
Costumes : Jean-Daniel Vuillermoz

Chef de chant et Claviers : Hughes Maréchal
Maquillages & coiffures : Marie Messien
Travail chorégraphique : Émilie Guillaume
Assistantes à la mise en scène : Pauline Buffet, Louise d’Ostuni
Responsable de production : Marie Ouguergouz

Régisseur plateau : Eric Capuano
Régisseur lumière : Karl-Ludwig Francisco
Habilleuse : Catherine Bénard
Régisseur général et son : Olivier Pot
Création des costumes : Ateliers du Théâtre de Liège